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Côte d'Ivoire

Entretien avec Charles Kouassi, l’homme qui a révolutionné la prévoyance sociale en Côte d’ivoire.

C'est dans les beaux salons d'un hôtel parisien que le Directeur de la caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), Denis Charles Kouassi, nous a reçu pour un entretien exclusif. Il y dévoile ses plans pour la revalorisation de la caisse et les actions menées pour la lutte contre la pauvreté. Interview.

Œil d'Afrique : Vous êtes à la tête de la CNPS, quelle est la situation de la sécurité sociale ivoirienne ?  

Charles Kouassi : La sécurité sociale de la Côte d'Ivoire se porte bien. Il y a des régimes existants mais il y a surtout d'autres régimes qui sont en train d'être mises en place pour étendre cette sécurité sociale à un plus grand nombre et élargir la gamme des prestations. Dans le cadre du développement de nos activités, nous bénéficions également d'un fort soutien du gouvernement Ivoirien. Aujourd'hui, tout le monde a compris qu'il s'agit ici d'un formidable outil de lutte contre la pauvreté.   

Vous souhaitez faire de votre caisse un outil d'investissement. 

Effectivement. Nous avons compris que le développement de notre caisse ne pouvait se faire qu'avec de ressources importantes. Si l'épargne que nous collectons est bien investi, cela peut contribuer au développement du pays et maintenir la pérennité des gimes. Nous avons opéré en 2012 une reforme importante. Nous avons revu plusieurs paramètres notamment le taux de cotisation et l'âge de la retraite.  

Vous aviez annoncé une prise en change des travailleurs indépendants. Comment convaincre lorsque l'informel reste prisé par de nombreux commerçants ?  

Je n'aime pas le qualificatif "informel". Je ne vois pas en quoi ces commerçants sont des "informels" puis qu'ils sont identifiés par nos mairies, qui touchent des taxes auprès de ces personnes. Etant donné qu'ils ne sont pas inconnus par ces administrations, il faut constituer un système qui va coordonner en collaboration avec ces services qui les cornait déjà afin qu'ils soient sensibilisés. Vous savez, aujourd'hui c'est cette population là qui réclame une couverture sociale car, elle a compris l'importance de ce que nous leur proposons. 

Que dites-vous aux actuels cotisants et aux futurs qui toucheront leurs retraites dans environ 30 ans ? Comment apaiser leurs inquiétudes concernant la garantie de percevoir leurs retraites ?  

Notre raisonnement a été de dire que si nous voulons avoir un équilibre sur 25 ans, il faut mettre en place un système qui va être excédentaire sur 15 à 20 ans. Notre point de départ a été 2012 et nous sommes en 2017 c’est-à-dire cinq ans après, les résultats ont dépassé nos attentes.  

Concernant une possible inquiétude  à propos du paiement des retraites, je peux rassurer nos cotisants. La situation de notre caisse est parfaitement saine. Je vais vous donner deux exemples: ces deux dernières années nous avons réévalué de 8% les primes d'une part et l'excédent financier ne cesse de s'accroitre d'autre part. Il n'y a donc aucun motif d'inquiétude.

90% de la population ivoirienne n'est pas couverte par la sécurité sociale. Que prévoit le CNPS pour protéger socialement ces  ivoiriens ? 

Il faut savoir que lorsqu'on n'est pas couvert par un système social, on est vulnérableQuel que soit le salaire que vous percevez. L'absence de retraite et d'assurance maladie fragilisent. Nous œuvrons à ce que le plus grand nombre d'ivoiriens puissent bénéficier d'une protection sociale (retraite ou incapacité). Il est également mis en place pour tous les travailleurs ivoiriens une assurance maladie universelle. Cette protection permettra également de remporter la lutte contre la pauvreté. 

La CNPS avait en janvier un excédent de plus de 77 milliards F CFA. Vous aviez promis de jouer votre rôle d’investisseur institutionnel, et injecter ces bénéfices dans l’économie nationale. Qui ont été les bénéficiaires de cette manne financière ? 

Nous réalisons nos investissements dans tous les domaines de placements existants. C’est-à-dire les actions cotées et non cotées, les OVCPM, les mandats de gestion et les obligations. Nous sommes très présents dans les emprunts obligataires levés par la Côte d'Ivoire et les Etats de la sous-région. 44% de notre portefeuille de 220 milliards de Francs CFA sont investis dans les obligations cotées et non-cotées. Nous investissons également dans les entreprises stratégiques, dans des Private Equity, dans certains fonds d'investissements tels que Ametis, Yellen et AfricInvestEn termes d'actions, nous avons investi dans des structures telles que Eranove, et dans les banques également.

Où en êtes-vous au sujet de la protection sociale des étudiants ? 

N'étant pas encore des travailleurs, les étudiants bénéficient de l'assurance maladie. 

Un dernier mot ? 

La sécurité sociale doit être réinventée chaque jour. Les paramètres évoluent quasiment chaque annéeNotamment le vieillissementL'espérance de vie s'accroît aujourd'hui en Afrique. Il faut en tenir compte. Il faut un système qui s'adapte à tous ces changements. Nous avons pris des engagements et nous allons les tenir. Nous réaliserons les reformes qui permettront à notre système d'être pérenne.  

Propos recueillis par Roger Musandji

 



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