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Assainissement au Sénégal: le casse-tête de la gestion des ordures à Kolda

La commune de Kolda située au Sud du Sénégal croule sous le poids des ordures. Dans plusieurs artères de la ville et sur les berges du fleuve casamance, le décor est hideux. Sachets en plastique, cartons et sacs vides, excréments humains… tapent à l’oeil nu. Les moyens de la municipalité ne suffisent pas pour venir à bout de la problématique de la gestion des ordures. Certains services actifs dans l’environnement ne peuvent que constater les dégâts face à une société civile qui n’a que ses yeux pour pleurer.  

Une vaste décharge à ciel ouvert sur les berges du fleuve casamance, qui devait être une vitrine pour la commune de Kolda. Des sachets en plastique, des restes alimentaires, des branchages, des sacs vides, des excréments humains et animals, des carcasses de poste radio et télévision, bref des ordures de toute sorte jusque dans le lit du fleuve, au centre-ville. D’autres qui jouxtent les murs de l’église protestante, les concessions, les ateliers… En tout, une trentaine de dépôts sauvages d’ordures recensée dans les 15 quartiers de la commune par Ibrahima Diao, secrétaire général de la mairie de Kolda. Triste décor pour la société civile qui tire la sonnette d’alarme: «Si nous continuons comme ça, il n’y aura aucune différence entre Kolda et Mbeubeuss», s’alarme Abdoulaye Cissé, président Sos environnement, une association qui milite pour les bonnes pratiques environnementales. Au centre-ville comme dans les quartiers périphériques, le constat est le même. 

La ville de kolda est sale. «Vous allez derrière le commissariat, c’est le même décor, près de la gouvernance, dans tous les quartiers, ce sont des ordures. Nous n’avons pas un dépôtoir officiel, nous n’avons que des dépôtoirs clandestins», résume Abdoulaye Cissé, invitant la mairie à tout faire pour régler ce problème d’assainissement. «Il y a une prolifération des dépôts sauvages à Kolda. Il y a les berges du fleuve qui sont polluées et d’autres dépôts sauvages d’ordures dans les quartiers”, enfonce Amadou Pauline Diagne, Chef de la division régionale de l’environnement et des établissements classés. Non seulement les déchets sont nuisibles aux cultures et à l’environnement, ils peuvent aussi avoir d’autres effets sur la santé des populations. «On est dans une zone plus ou moins pluvieuse. On constate que partout dans les maisons, il y a au moins un puits. Certaines maisons ne sont pas raccordées au réseau de la Sde, donc, la famille boit l’eau du puits. Quand les ordures ménagères ne sont pas bien gérées en période hivernale, il y a des risques d’intrusion des déchets dans la nappe car il y a un mélange eau-déchet. Ce qui pourrait avoir comme conséquences, le développement de certaines maladies d’origine hydride. Donc, quand la nappe est polluée, vous risquez d’être contaminée», analyse le Chef de la division régionale de l’environnement et des établissements classés de Kolda. Dans certains cas, les ordures peuvent infecter la chaine alimentaire. Pour avoir le coeur net, il faut interroger le district sanitaire de Kolda sur la cohabitation entre les populations et les dépôts sauvages. Sékou Baldé, responsable de l’information et de la communication au niveau du district sanitaire de Kolda estime que les dépôts sauvages peuvent causer des dangers pour les populations. Etant donné que, dit-il, «les déchets peuvent aller loin dans le sous-sol jusqu’à contaminer l’eau». Il est d’avis que des cas de maladie liés à la contamination pourraient exister, «mais qu’au niveau du district sanitaire, nous n’avons jamais fait face à un cas pareil car nous insistons beaucoup sur la prévention dans le domaine de la purification de l’eau de puits».  


Incivisme et manque de moyens


L’atelier de menuiserie de Ousmane Diamanka se trouve sur les rives du fleuve casamance. Chaque matin, il côtoie les déchets jetés jusque devant les portes de son lieu de travail. «Ces déchets nous fatiguent. L’odeur est nauséabonde et nous n’avons pas les moyens pour nous protéger. Lorsque j’arrive le matin à mon lieu de travail, je suis obligé d’enlever moi-même les ordures éparpillées jusque devant notre atelier de menuiserie», affirme-t-il, vêtu d’un tee-shirt jaune et debout sur un monticule d’ordures au bord du fleuve. Lui et ses collègues demandent aux autorités municipales de les aider à nettoyer les lieux. «Nous avons aussi besoin de masques pour notre santé car en période hivernale, il est très difficile de vivre à cet endroit», confesse le menuisier ébeniste. Habitante du quartier Ndiobène, Yacine Badiane, ménagère, habite les environs de l’atelier de Ousmane. Elle vit sur les lieux depuis de longues années. Elle constate qu’il y a quelques mois, des gens sont venus enlever les ordures. «Malheureusement, dès qu’ils tournent le dos, les riverains commencent à y jeter des ordures», regrette-telle, avouant qu’elle-meme fait partie des gens qui déposent des ordures sur les lieux car, précise-t-elle, «on a jamais reçu de bacs à ordures provenant de la mairie pour y mettre nos ordures». La gestion des ordures revient aux collectivités territoriales, comme l’indiquent la direction de l’environnement, la brigade du service d’hygiène, la société civile entre autres. Mais, chacun peut mettre la main à la pâte des ordures pour l’assainissement de la ville. 

Dans la commune de Kolda, affirme Ibrahima Diao, secrétaire général de la mairie, des actions courantes dans la gestion des ordures sont menées. Il avance que la municiplaité a installé un dispositif qui lui permet d’enlever les ordures de manière régulière. «Le maire Abdoulaye Bibi Baldé a demandé a acquérir un tracteur tout neuf, qui permet de faire la rotation dans les artères du centre-ville chaque matin pour ramasser les ordures et les jeter au niveau des dépôts autorisés», précise M. Diao, qui a fait savoir que l’Unité de coordination et gestion des déchets (Ucg), qui s’occupait de la propreté de la commune à certains endroits, a cessé ses activités depuis plus d’un an. A ce jour, dit-il, il y a un seul dépôt autorisé qui se trouve au niveau des anciennes carrières de Saré Bidji, la commune voisine de celle de Kolda. Mais, il y a un hic, selon le secrétaire général de la mairie. «La mairie avait installé des bacs à ordures tout au long des artères, au niveau du marché central, ce qui est bizarre, c’est que les populations ne mettent pas les ordures dans ces poubelles. Certains ont même pris les poubelles pour en faire autre chose», regrette Ibrahima Diao, qui observe que quand il n’y a pas un endroit indiqué pour se débarrasser des ordures, les populations vont les mettre où ils veulent. «Pour Kolda, il n’y a pas de décharge reglementée. Pratiquement, ce sont les anciennes carrières (de Saré Bidji) qui sont plus ou moins utilisées pour accueillir certains déchets ou bien le plus souvent, ce sont des sites abandonnés, des parcelles de terre existant au niveau des quartiers qui sont souvent utilisés par les populations pour déverser les ordures ménagères», précise Amadou Pauline Diagne. Pourquoi, les populations jettent les ordures dans des sites non réglementés? «Cela est lié tout simplement à une absence d’un système adéquat de collecte des ordures ménagères», résume Capitaine Idrissa Diallo, chef de la brigade régionale d’hygiène de Kolda, qui, avec son équipe, a constaté ça et là des tas d’ordures ménagères dans tous les trois départements de la région de Kolda.


Là où le bât blesse...


A côté de l’incivisme, il y a l’anarchie relevée dans la gestion des ordures à Kolda. «Il y a des gens qui ne sont pas formalisés, des clandestins dans la gestion des ordures qui encaissent de l’argent dans la commune et jettent les ordures un peu partout», regrette Ibrahima Diao, qui affirme que la mairie ne va pas rester les bras croisés face à cet incivisme et cette anarchie. «On va prendre des dispostions pour formaliser tout ça parce que ce n’est pas une excuse quand même de laisser les gens faire ce qu’ils veulent dans le traitement des ordures», annonce le secrétaire général de la mairie. Déjà, il révèle que dans les 15 quartiers de la commune de Kolda, la municipalité a positionné un tricycle pour trois quartiers pour ramasser les ordures. «On a cinq tricycles qui, tant bien que mal, font l’enlèvement de proximité des ordures pour les acheminer vers le dépôt transit», détaille-t-il, avouant qu’il y a encore des choses à améliorer dans la collecte des ordures au niveau des quartiers. «Il y a l’inaccessibilité de certains endroits de la commune à cause des routes qui n’existent que de nom», relève un conducteur de tricycle engagé par la mairie pour transporter des ordures. C’est notamment dans les quartiers où le bât blesse. Comme le souligne le chef de la brigade régionale de l’hygiène, «les populations doivent garder les ordures dans des poubelles réglementaires, mais la plupart n’en ont pas». Idrissa Diallo de poursuivre que tous les dépôts sauvages d’ordure que son service a identifiés sont d’anciens dépôts qui nécessitent de gros moyens pour les enlever. «S’il s’agit d’un nouveau dépôt, nous convoquons toutes les populations environnantes pour faire enlever les ordures. Il y a aussi une contravention à payer. Il s’agit de pousser les populations à ne plus créer un nouveau dépôt», selon lui. Face à une absence de moyen de collecte des ordures, des koldois font du brûlage. «Ce qui est interdit par la loi», note Amadou Pauline Diagne qui tempère: «Comme ils n’ont pas de solution par rapport à la loi, ils sont obligés de brûler les ordures». Un vilain coup porté donc à l’environnement. Un manque d’éducation environnementale, selon Abdoulaye Cissé qui préconise des assises de la gouvernance environnementale dans la commune de Kolda. Ce qui pourrait rajouter aux dépenses faites pour la résolution de la problématique de l’assainissement de la ville de Kolda, dans la mesure où un plan d’assainissement a été élaboré depuis des années par les autorités. Mais, il dort dans les tiroirs. En attendant,  le fleuve casamance se colmate silencieusement du fait de sa transformation en dépôtoir d’ordures ménagères. Et les risques sur la santé des populations deviennent chaque jour de plus en plus grands pour une ville qui s’agrandit à cause d’une démographie galopante. 


Avec WalfQuotidien - Dakar



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